DROIT DE DONATION ET SOLIDARITE FISCALE : l'administration doit respecter le caractère contradictoire de la procédure - La rédaction du cabinet

DROIT DE DONATION ET SOLIDARITE FISCALE : l'administration doit respecter le caractère contradictoire de la procédure - La rédaction du cabinet

Publié le : 19/12/2017 19 décembre déc. 12 2017

Selon l’article 1705 du CGI, toutes les parties qui ont figuré dans un acte sont tenues solidairement des droits d’enregistrement auxquels cet acte est soumis.

Il est régulièrement jugé que cette solidarité existe entre toutes les parties qui ont figuré dans un acte ou auraient dû y figurer, de sorte que, d’une part, elle s’applique en matière de donation déguisée (Cass. Com., 12 juillet 1993, n° 91-17.507) et, d’autre part, elle permet à l’Administration de choisir de notifier son redressement à l'un quelconque des redevables solidaires de la dette fiscale, à savoir aussi bien au donateur (Cass. Com., 21 juin 2011, n° 10-20.461, Dr. Fisc. 2011, n° 49, comm. 614), qu’au donataire (Cass. Com., 21 janvier 1997, n° 95-10.180).

Mais, si l’Administration peut notifier des rappels de droits d’enregistrement à l’un quelconque des débiteurs solidaires de l’imposition, la Cour de Cassation considère également que cette même administration doit notifier les actes de la procédure à l'ensemble des débiteurs solidaires visés à l’article 1705 du CGI, sauf à entacher la procédure d'irrégularité.

Cette solution, d’abord consacrée dans l’arrêt Marie (Cass. Com. 18 novembre 2008 n° 07-19.762), a été confirmée dans un arrêt Rigaud (Cass. com. 7 avril 2010 n° 09-14.516), puis dans deux arrêts du 12 juin 2012 (n° 11-30.396 et 11-30.397), puis dans un arrêt du 26 février 2013 (n° 12-13.877).

A la suite de ces cinq décisions, il est désormais bien établi que si l'Administration Fiscale peut choisir de notifier ses redressements à l'un seulement des redevables solidaires de la dette fiscale, la procédure ensuite suivie doit être contradictoire et la loyauté des débats l'oblige à notifier les actes de celle-ci à tous ces redevables.

Lorsque tel n’est pas le cas, le juge annule l’ensemble de la procédure d’imposition.

Ainsi, la jurisprudence considère, de façon constante, que cette irrégularité de procédure trouve à s’appliquer dans tous les cas, y compris ceux pour lesquels la partie à l’acte que l’Administration a choisie de redresser (donataire ou donateur) n’allèguerait pas avoir été privée des droits qui lui étaient garantis dans le cadre de la procédure suivie à son encontre, mais allèguerait que l’autre partie, co-débitrice solidaire, a été privée de ces droits.

- Dans l’arrêt n° 11-30.397 de la Cour de Cassation du 12 juin 2012, l’intégralité de la procédure de redressement avait été suivie à l’encontre du donateur et la Cour le décharge de ses impositions au motif que la donataire n’avait pas été destinataire de l’ensemble des actes de la procédure concernant le donateur :

« Attendu que, pour rejeter la demande, l’arrêt retient que l’administration, qui a toujours exercé la procédure de redressement à l’encontre de M. X…, désigné dans l’acte comme seul débiteur des droits d’enregistrement, n’avait pas à notifier les actes de procédure à sa fille, à l’égard de laquelle elle n’a engagé aucune poursuite, et n’a donc fait preuve d’aucune déloyauté ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté, par motifs propres et adoptés, que Mme X… n’avait pas été convoquée devant la commission départementale de conciliation et qu’elle n’avait pas reçu notification de l’ensemble des actes de la procédure fiscale autre que la proposition de rectification, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l’article 627 du code de procédure civile ;

Par ces motifs et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs ;

Casse et annule en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 14 avril 2011 par la cour d’appel de Lyon ;

Dit n’y avoir lieu à renvoi ;

Dit irrégulière la procédure fiscale et nul l’avis de mise en recouvrement du 14 septembre 2007 ».


- Dans l’arrêt n° 11-30.396 de la Cour de Cassation du 12 juin 2012, la décharge des impositions a été prononcée alors même que le donataire, débiteur légal de l’imposition, n’alléguait pas avoir été privé des droits qui lui étaient garantis dans le cadre de la procédure d’imposition :

« Attendu que pour rejeter leur demande, l’arrêt retient que M. Romain Tchenio (donataire), à l’encontre de qui a été suivi l’ensemble de la procédure, depuis la notification de redressement jusqu’au rejet de la réclamation contentieuse, n’allègue pas avoir été privé de droits qui lui étaient garantis dans le cadre de la procédure contradictoire ouverte après cette notification, jusqu’au rejet par l’administration de sa réclamation contentieuse et que, dès lors, c’est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande d’annulation présentée ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté, par motifs propres et adoptés, que M. Maurice Tchenio (donateur) n’avait pas été convoqué devant la commission départementale de conciliation et qu’il n’avait pas reçu notification de l’ensemble des actes de la procédure fiscale autres que la proposition de rectification, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l’article 627 du code de procédure civile ;


Par ces motifs et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs

Casse et annule en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 5 avril 2011 par la cour d’appel de Paris ;

Dit n’y avoir lieu à renvoi ;

Dit irrégulière la procédure fiscale et nul l’avis de mise en recouvrement du 28 septembre 2007 ».


La Cour réaffirme donc que la circonstance selon laquelle le contribuable n’aurait été privé d’aucun droit, contrairement au redevable solidaire de l’imposition, est donc indifférente, car c’est la procédure d’imposition dans son ensemble qui est irrégulière.

- Dans l’arrêt n° 12-13877 de la Cour de Cassation du 26 février 2013, l’intégralité de la procédure de redressement avait été suivie à l’encontre d’un seul cohéritier et la Cour le décharge de ses impositions au motif que l’autre cohéritier n’avait pas été destinataire de l’ensemble des actes de la procédure d’imposition et ce, alors même que celui des cohéritiers auprès duquel la procédure d’imposition avait été suivie ne subissait aucun grief :

« Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Madeleine Neuville est décédée le 10 août 1996 laissant comme héritiers MM. Douaud et Neuville ; que l'administration fiscale a notifié un redressement des droits de succession à M. Douaud ; qu'après mise en recouvrement des droits et pénalités correspondants et en l'absence de réponse à sa réclamation, M. Douaud a saisi le tribunal de grande instance afin d'être déchargé de cette imposition ;

Attendu que, pour le dire dépourvu d'intérêt à soulever l'irrégularité de la procédure fiscale, l'arrêt retient qu'il a été destinataire de l'ensemble des actes afférents à celle-ci, que seul son cohéritier serait en droit d'invoquer la méconnaissance du principe de la contradiction et de loyauté des débats et que le non-respect de ce principe n'a pas fait grief à M. Douaud ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, si l'administration peut choisir de notifier les redressements à l'un seulement des redevables solidaires de la dette fiscale, la procédure ensuite suivie doit être contradictoire et que la loyauté des débats l'oblige à notifier les actes de celle-ci à tous ces redevables, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ».



Cette jurisprudence est suivie par les juges du fond (par exemple : TGI Nanterre, 5 décembre 2013, n° 12/01312 ; CA Pau, 20 septembre 2016, n° 16/3496).

Elle vient d’être récemment rappelé par la Cour d’Appel de Montpellier dans un arrêt du 10 octobre 2017 (n° 15/07233) concernant le cas de deux concubins qui avaient acheté en indivision un bien immobilier, dont le prix avait toutefois été payé en intégralité par un seul des deux acheteurs : le rappel de droits de donation a été annulé par la Cour, motif pris de ce que les actes de la procédure d’imposition menés à l’encontre du bénéficiaire présumé de la donation déguisée (proposition de rectification, avis de mise en recouvrement…) n’avaient pas été notifiés à son concubin.

Comme le relève fort justement J.P. MAUBLANC (« Invocation par le codébiteur solidaire choisi par l’Administration de la violation du principe de la contradictoire envers les autres codébiteurs », Dr. Fisc. 2013, n° 26, p. 32) :

« Cette obligation de faire n’exprime pas seulement un droit à l’information des codébiteurs solidaires, au cas où ils pourraient être mis en cause à leur tour pour le paiement de la dette fiscale. Il s’agit aussi d’une garantie substantielle qu’est en droit d’invoquer le codébiteur solidaire choisi par l’Administration et qui a été l’unique destinataire de toutes les notifications du rappel d’impôt, au soutien de sa propre contestation fiscale fondée sur le caractère irrégulier de la procédure suivie à son encontre ».

Et d’ajouter :

« De ces affaires, il résulte clairement que présente un caractère impératif et inconditionnel l’obligation faite à l’Administration de notifier les actes de la procédure à chacun des codébiteurs solidaires de la dette d’impôt, alors même qu’aucune poursuite n’aurait été engagée contre ces derniers, dès lors qu’ils sont tous susceptibles de telles poursuites ».


La jurisprudence est donc bien fixée et les circonstances habituellement invoquées par l’Administration dans les dossiers de cet ordre (le contribuable a été destinataire de tous les actes le concernant, de sorte qu’il ne subit aucun grief et ne peut se plaindre d’une méconnaissance de la loyauté des débats et du caractère contradictoire de la procédure que seul le codébiteur solidaire pourrait éventuellement invoquer), sont sans portée.

par Thierry GASQUET
Avocat associé

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